Roger Pingeon s’est endormi pour toujours

Roger Pingeon s’est endormi pour toujours Terrassé par une crise cardiaque pendant son sommeil, ‘’Pinpin’’ est allé rejoindre le paradis des cyclistes. Par l’évocation nostalgique de ces temps lointains, en souvenir du formidable ‘’truc’’, réalisé par ce coureur alors inconnu dans notre comité, c’est un dernier hommage que nous lui rendons. Reportons-nous au 26 aout […]

roger pingeon

Roger Pingeon s’est endormi pour toujours

Terrassé par une crise cardiaque pendant son sommeil, ‘’Pinpin’’ est allé rejoindre le paradis des cyclistes. Par l’évocation nostalgique de ces temps lointains, en souvenir du formidable ‘’truc’’, réalisé par ce coureur alors inconnu dans notre comité, c’est un dernier hommage que nous lui rendons. Reportons-nous au 26 aout 1964, sur la ligne de départ, du grand prix de la St. Louis au Bugue. Toutes les plus fines pédales du grand sud-ouest sont présentes, les J. Ricou, C. Perrotin, A. Gratton, M. Gonzales, P. Dalis, A. Bayssière, M. Brux, R. Darrigade, A. Dupré, A. Lesca, J. Deloche, C. Gabard, les marseillais G. Noguerol F. Siniscalchi, P. Fages etc. tous des coursiers qui gagnent une quinzaine de courses par an. Sur la ligne de départ 118 coureurs partent pour 115 km, les deux ou trois grosses maffias sont en place, mais aucune n’a prêté attention à ce grand escogriffe efflanqué, solitaire et affuté telle une lame. Sous une chaleur caniculaire, il joue l’indifférent, sur la grosse prime de la mi-course, il gicle et s’en va accompagné du seul A. Dupré l’ex pro aux trois Tours de France. Pendant 20 km A. Dupré, ne pourra prendre le moindre relais au bel indifférent, (qui d’ailleurs ne lui demande rien), ni disputer la moindre prime. Pour finir notre ex Tour de France, exténué, laisse partir cette véritable moto, s’arrête sur le bas-côté de la route pour vomir tripes et boyaux, au passage des poursuivants il crit ‘’devant c’est un fou’’. Il reste 20 bornes, derrière les maffias se filent à bloc pour rentrer coute que coute, à l’arrivée ‘’Pinpin’’ passe la ligne ,3 minutes avant M. Brux et R. Darrigade. Pour la petite histoire, A. Dupré avait remporté cinq jours avant cette course du Bugue, le grand prix de Faux, et M. Brux devait s’imposer dès le lendemain dans la nocturne de Dax ‘’une jambe attachée au cadre’’. Ce jour-là tous les coureurs sans exception, reconnurent avoir croisé la route d’un extraterrestre. L’image qu’il laissa sur les routes de Dordogne, fut au diapason de toute sa carrière. Tout cela pour mieux faire comprendre et connaitre, la façon d’évoluer de ce coureur. Cet écorché vif qui flirtait avec les frontières de la maniaquo dépression, était tout aussi capable, de retrouver très vite des états de grâce, pour atteindre le sublime face à n’importe quel adversaire. R. Pingeon voulait être pro à tout prix, aussi pendant cette saison 1964 il va harceler par courrier G. Plaud (directeur sportif de Peugeot) qui à bout d’argument face à ce sujet pédalant, lui fera signer un contrat, qu’il n’eut jamais à regretter. Ce formidable rouleur excellent grimpeur, débute par une anonyme douzième place dans le Tour 1965, 1966 le voit sujet a des crises morales profondes, en débuts de saison il quitte Paris-Nice, en jurant qu’il ne remontera jamais plus sur un vélo. Puis il revient, dans le Dauphiné il pète à nouveau les plombs, annonce qu’il abandonne le cyclisme, et qu’il reprend son premier métier celui de plombier. On le retrouve néanmoins au départ du Tour de France, qu’il termine à la huitième place. Le problème de Roger, était qu’il ne pouvait se supporter dans la médiocrité. Ses renoncements subits figuraient la révolte d’un être, qui ne se satisfaisait pas de la condition d’équipier, dans laquelle il retombait quand il se retrouvait au creux de la vague. Il supportait mal les directives, devenait taciturne et tout cela le menait au clash. Au départ du Tour 1967 on le retrouve ni plus ni mieux que d’habitude, il reste Roger Pingeon un coureur attachant, capable du meilleur comme du pire. Dans la 5e étape Roubaix-Jambes longue de 172 km, au Mur de Thuin à 60 km du but, il part au train en accélérant progressivement, dans la descente il met en route, dans ces moments-là comme en 1964 en Dordogne, ses longues pattes tournent et poussent le braquet sans effort apparent, c’est sa classe cristalline qui parle. Au bout des 60 km de fugue solitaire, ‘’Pinpin’’ a passé plus de 6 minutes au peloton des vedettes, le Tour est joué, personne, même pas les purs grimpeurs ne pourront le mettre en danger. À Paris le second Julio Jimenez se retrouve à pratiquement 4 minutes. En 1968 il décroche une belle 5e place dans le Tour, après avoir enlevé deux étapes, celles d’Albi (190 borne d’échappée solitaire, ce Tour qu’il pouvait gagner) et Grenoble. Au départ de la Vuelta 1969, Luis Ocana la valeur montante du cyclisme avec E. Merckx est le grand favori de l’épreuve. Dans la 12e étape San Fellu-Moya 151 km accompagnés de 5 cols au menu, Ocana passe à l’attaque dès le deuxième, Pingeon ne se laisse pas surprendre et contre dans le troisième, pour franchir les trois derniers en tête, à l’issue d’une de ses fugues solitaires dont il a le secret, il franchit l’arrivée avec 4 minutes d’avance sur ses poursuivants. Bien que Luis Ocana remporte les deux dernières étapes chronos, il devra se contenter de la seconde place à 1’58’’ de ‘’Pinpin’’. La maison Peugeot qui ne croyait pas spécialement en Pingeon sur ce Tour d’Espagne, n’avait sélectionné qu’une équipe de coureurs un peu tendres pour une telle épreuve, résultat, Pingeon a effectué les 4 dernières étapes avec un seul coéquipier le belge Willy Monty, tous les autres ayant abandonné. Dans la foulée il réalisera un Tour de France de rêve, seul Merckx le devancera à Paris de 18 minutes, remportant au passage l’étape reine des Alpes, Thonon Les Bains-Chamonix après un mano à mano impressionnant avec le roi Eddy. Rattrapé par ses vieux démons, ses plus belles années sont derrière lui, il va encore se classer 2e d’un Dauphiné, 2e d’un Tour de Suisse, 7e de Liège-Bastogne-Liège et 11e de son dernier Tour de France en 1974, mais pour Roger les places d’honneurs restent des échecs, il décide donc de quitter le cyclisme. Après sa carrière R. Pingeon a longtemps travaillé pour la télé Suisse-Romande. Pour sa dernière saison chez Jobo Lejeune, il s’était retrouvé leader de nos girondins A. Cigana, F. Campaner C. Magni, A. Bernard. Né le 28 aout 1940 à Hauteville-Lompnes(Ain) il est décédé le 19 mars 2017 à Beaupont (Ain). Il avait débuté en 1957 et raccroché en 1974.Nous garderons de Roger, le souvenir d’un athlète hors norme, qui unissait la solidité d’un roc à la fragilité du cristal.

Gérard Descoubès

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