Hommage de Gérard Descoubès à Pierre Nardi

Hommage à Pierre Nardi

Pierre , le patriarche de la dynastie Nardi, s’en est allé au seuil de ce nouvel an.

  Évoquer Pierre Nardi, c’est s’infiltrer dans les corridors de notre mémoire, pour retrouver les  scintillements de carrière d’un coursier d’un autre temps. Avec le départ de Pierrot ce sont un peu nos rêves de jeunesse, les traces d’une époque pas si lointaine mais révolue qui disparaissent. Comme de nombreux hommes de l’époque, il ne comptait que sur lui, ce qui en a fait un individualiste notoire dans les pelotons cyclistes. Il aimait dire  »je n’ai jamais pris une pièce dans la poche de quelqu’un mais il ne fallait surtout pas que quelqu’un vienne en chercher une dans la mienne ». Force est de constater que ses nombreux succès il ne les doit qu’à lui même, il a toujours reconnu n’avoir jamais fait aucun cadeau à un coureur mais qu’il n’en a jamais attendu et obtenu de personne. Ce coursier de race à la pédalée puissante et soutenue (ses contemporains R. Gibanel, R.Mastrotto, R.Cazala et P.Beuffeuil disaient de lui :  »quand Pierrot passait en tête il pouvait te sortir des roues comme qui rigole », avec son tempérament de gagneur il ne pouvait concevoir une course d’équipe, il courait pour lui, ce qui explique en partie son bref passage chez les pros. Chez ces derniers il a laissé le souvenir d’un coureur aux gros moyens, qu’un individualisme légendaire isola dans les courses. Il avait débuté en 1948, raccroché fin 1959, dés 1951 pointent ses premiers résultats 2e à Labrit devancé par le seul André Darrigade, 3e du Tour de l’Orne (1e J.Bobet), il éclate en 1952 avec 16 victoires dont la 4e étape du Tour du Sud Ouest (Pro),en 1953, dans le grand Prix du Midi-Libre (course pro de 280 km) où il s’impose devant tout le gratin le consacre coureur international, Suite à cette victoire monumentale la firme Tendil qui l’équipe l’oblige à passer pro le 21 juin, dés l’année suivante en 1954  il se fait reclasser chez les  aspirants pros (une catégorie inférieure bâtarde), en 1955 il participe à Paris-Tours et à Paris-Bruxelles, grandes classiques de l’époque, 1956 le voit vaincre dans les belles courses pros que sont les Boucles du Bas Limousin, le Tour de Corrèze, des épreuves qui dépassent les 250 km, mais ses plus belles victoires restent la 2e étape (Marseille-Avignon), dans le Tour des provinces du Sud Est (l’équivalent du Dauphiné-Libéré) et le Tour du Béarn-Aragon devant le futur vainqueur de la Vuelta Antonio Suarez, à partir de 1957 (bien qu’il participe à Paris-Nice) il finira sa carrière en roue libre. Pour le fun  il reprendra une licence en 1967 où il se classe 7e à Illats, une course remportée par un jeune aux dents longues Claude Magni. Durant sa carrière il a été licencié dans les clubs de  : C.A.Bèglais 1948 à 1950, C.C.Bordelais 1951 à 1953 et au V.C.Barsacais1954 à 1959 + 1967. Il a honoré les couleurs de : Elvish 1949 à 1950, La Perle 1951, Tendil 1952 à 1953, Mercier BP 1954 à 1955, Thoman Alcyon la Française 1956 à 1958 et Peugeot BP en 1959. Il était né le 27 mars 1930 à Saint Jean de Duras (47),  il vient de décéder ce 30 décembre 2024 à Barsac,

Cher Pierre, toi qui nous a si souvent accompagné dans nos sorties cyclistes, aujourd’hui suite à ton départ, nos âmes sont subitement devenues tristes, une longue absence commence.

Au revoir Monsieur Nardi.

      Gérard Descoubès

 Voici les péripéties engendrées par pierrot pour vaincre dans le grand prix du Midi-Libre 1953 :

  « Contacté par la direction des cycles Tendil pour disputer le grand prix du Midi-Libre course pro internationale, il a juste le temps de sauter dans le dernier train pour Carcassonne, lieu de départ de l’épreuve. Arrivé dans la cité des remparts, comme lui à conseillé son mentor Armand Poupard (dit Poupiche), il rejoint aussitôt sa chambre d’hôtel pour récupérer des fatigues du voyage. Il s’endort à un point tel, qu’il rate la réunion d’avant-Course qui distribuait les rôles de chacun. Lorsque son directeur sportif (le père Bernardoni) l’aperçoit enfin, c’est pour s’entendre dire  »toi, tu passeras ton vélo ou tes roues aux leaders ». Pierrot qui ne s’est jamais penché sur les  »us et coutumes » d’un groupe professionnel réplique aussitôt « passer mes roues ? Jamais ! et mon vélo encore moins ! ». Cela jeta un froid, le grand patron lui demande alors  » tu es venu quoi faire ici »? Candide jusqu’au bout du bout  »il répond : gagner, pardi ! Sinon je serais resté à Bordeaux ». Le patron faillit s’étouffer, puis s’écria  »un inconnu se lance dans une course de 280 bornes avec cinq cols au programme, sans compter toutes les autres bosses, le voilà qui revendique le rôle de leader ».  Le patron hors de lui, tranche immédiatement » Tendil c’est fini pour toi, tu es viré, ton vélo rentrera directement à l’usine après la course ». A partir de ce moment, notre pauvre Pierrot se trouve dans l’embarras, car son train n’est plus remboursé, il n’a plus droit aux boyaux de rechange et encore moins au ravitaillement. En ultime recours il réussit à récupérer un boyau neuf et à remplir ses poches de nourriture. Sur la ligne de départ A.Deledda le champion de France en titre lui demande  »dis donc jeune, tu comptes le faire en combien de jours ton Midi-Libre ? Vu la bouffe que tu emportes tu dois partir pour longtemps!!! » Après avoir expliqué à Deledda ce qui lui arrivait, le père Adolphe qui était un bon mec lui dit  » si tu as besoin de quoi que ce soit pendant la course, tu viens me voir, on s’arrangera ». La course lancée, les trois premiers cols furent terribles  pour notre régional, il reconnaît que si il n’avait pas eu peur de décevoir le champion de France en personne, il aurait abandonné, il resta en queue de paquet pendant 200 km. Arrivé dans les 80 derniers km se sentant mieux, il commença à penser à faire une des nombreuses primes qui jalonnaient le trajet pour pouvoir se rembourser le train. A 20 km du but, Pierrot aperçoit au sommet d’une bosse très raide, un drapeau rouge qui annonce une prime de 100.000 f , ne pensant qu’à payer son train, il débouche, rafle la prime et se lance à bloc dans la descente, prend 1’30 »  et va décrocher avec une trentaine de secondes d’avance la plus jolie victoire de sa carrière, créant la plus belle surprise de la saison cycliste. Derrière suivent les S.Bianchi, J.Dupont, A.Darrigade, E. Muller (champion du monde en titre), après avoir été débauché le matin il était illico presto rembauché  le soir, par le patron de Tendil. Pour la petite histoire Pierrot avait gagné ce Midi-Libre avec un plateau ovale, fabriqué de toutes pièces par son mentor le fameux  »Poupiche ». »

2 Commentaires

    Michel AUDIARD disait :  » Les gens qui n’aiment pas le vélo nous ennuient même quand ils n’en parlent pas « . Lorsque je lui rendais visite chez lui ou que nous nous croisions sur les routes, j’avais droit au récit de sa victoire dans le grand prix du midi libre en 1953. Son épouse lui disait, « mais tu lui as déjà raconté ! » et invariablement, je lui répondais  » laissez le dire, ça me fait plaisir et je ne m’en lasse pas. En fait, je crois que je m’identifiais à sa performance comme si c’était moi qui l’avais gagné cette course. Mais il ne parlait pas que de vélo, c’était parfois l’apiculture , aussi sa vie professionnelle chez la famille CORDIER, la vie tout court, il était passionnant et je l’aimais beaucoup. Il faisait partie de ces gens que l’on rencontre parfois dans la vie et avec qui on a envie de devenir ami. Ils sont rare, très rare. Je l’aimais beaucoup. J’ai croisé sa route en 1967 à la course de Cestas que j’avais finie à la 3ème place, vainqueur Alain Cigana, je fus repris à … 5m de la ligne. Ce jour là, Pierrot m’avait battu pour une prime et j’en étais fier, son passé me parlait. J’avais 17ans, il en avait 20 de plus. Je me souviens d’une autre course à Belin que j’avais gagné, il avait pris la 6ème place. Là encore, qu’il fasse partie du classement me rendais fier. Puis nous nous sommes retrouvés à Barsac lorsque j’ai pris mes fonctions de secrétaire général de Mairie en 1983. Il était conseiller municipal (il a été en fonction pendant 24ans) et nous ne nous sommes plus quittés. Ces amis là se comptent sur les doigts d’une main, il en faisait partie. Je pense à sa femme, ses enfants petits enfants et proches, à leur immense peine et je m’y associe. En 1953 son échappée victorieuse lui avait permis d’inscrire son nom pour l’éternité au palmarès du prestigieux Midi Libre, course cycliste renommée, devant tout le gotha du cyclisme international. Aujourd’hui c’est sa dernière échappée, celle dont on ne revient pas. Il était le parrain du Vélo Club BARSACAIS, notre tristesse est infinie. Repose en paix mon cher Pierrot.

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